Don’t Border me est né officiellement le 9 juin 2007, à Montréal, grace aux efforts des journalistes Christelle Franca et Serge Abiaad. Le projet s’intéresse aux musiques et la création faite où les frontières géopolitiques sont trop rigides; là où la circulation des individus, des idées et d’une information honnête est aussi complexe qu’essentielle. Pour ses premiers pas, Don’t Border me a souhaité donner la parole à la musique libanaise actuelle.
Cinéaste du son et maître des machines, Jawad Nawfal a fondé Altered Ear, un laboratoire de recherche et de composition sonore assistés par ordinateur aux ramifications multiples : Ae_quo (expérimental), AEX (electro live), et Munma (oriental soundscape). Au croisement des disciplines multimédia, il collabore aussi régulièrement avec des réalisateurs et des artistes visuels, avec le Liban en bruit de fond.
Dans le cadre du projet Bande à Part/Don’t Border me, Jawad a soumis un soundscape (ou paysage sonore, un format qu’il affectionne particulièrement), deux photographies, et a présenté sur Ruptures 96.2FM une émission ayant pour sujet la scène électronique libanaise.
Ecouter:
soundscape-jawad
bande-a-part-jawad-nawfal-19-nov07-part-1
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La ville en chantier
Beyrouth est une ville étrange.
Les chantiers y sont incessants.
Je découvre sans arrêt de nouveaux bâtiments
surgis du néant là où, quelques jours auparavant,
il n’y avait qu’un vieux dépôt désaffecté,
un terrain de foot, une bâtisse croulante.
Les rues muent et se transforment au fil des
semaines, sans que personne ne semblent
vraiment s’en étonner.
En Juillet 2006, le pays a été l’objet
d’une vaste offensive militaire Israélienne.
Des quartiers entiers et de nombreux boulevards
de la capitale ont été détruits.
Ceci a évidemment eu pour conséquence la
recrudescence des chantiers en ville.
Aujourd’hui, Beyrouth est grise de poussière,
elle respire le béton et le métal rouillé.
Et même si le pays vit un cauchemars politique et
économique récemment, le chantier urbain est
intransigeant. Le métal et le béton règnent,
incontesté, déterminés, et rien ne semble pouvoir
les ralentir dans leur lourde progression.
Je les entends souffler, gronder et grincer.
Les sons que j’ai traités et mis en scène,
ces masses sonores fluctuantes, sont à l’origine
des bruits capturés sur des chantiers et ailleurs,
pas loin de là où j’habite. Je les ai pesés,
décousus, et taillés. Je les ai modulés
et transformés, tel un nouvel alliage secret.
Je leur ai donné une nouvelle voix.
Ainsi, vous aussi, vous pourrez peut-être y entendre
les lamentations fourbes de la ville en fusion.
Jawad Nawfal